Pour la plupart des équipes produit, les tickets de support client sont comme des spams : bruyants, répétitifs, peu engageants.
Mais la vérité ? Si vous n’exploitez pas ces tickets, vous passez à côté du retour d’expérience le plus brut et le plus sincère que vous puissiez obtenir.
Les tickets de support révèlent des problèmes réels, exprimés avec des mots réels.
Ils mettent en lumière ce qui ne fonctionne pas, ce qui est confus, ce qui manque… et parfois, ce qui fonctionne très bien.
Ils ne sont pas filtrés par le marketing ou des études — ils sont directs, non scriptés, souvent urgents.
Si vous êtes sérieux au sujet de l’amélioration de votre produit, le support ne doit pas être un centre de coût. C’est une carte au trésor.
Voici comment transformer votre boîte de tickets en gisements d’insights produit exploitables — sans vous noyer dans le bruit ou les tableurs.
1. Ne traitez plus support et produit comme deux planètes séparées
Dans beaucoup d’entreprises, le support est en mode réaction : il répond aux tickets, apaise les utilisateurs, règle des bugs.
Pendant ce temps, l’équipe produit élabore des roadmaps basées sur des analytics, des benchmarks ou des objectifs business.
Résultat ? Une déconnexion qui mène à des efforts mal ciblés, des priorités erronées, ou des fonctionnalités que personne ne voulait vraiment.
Ramener le support dans la boucle permet de :
- Valider les roadmaps avec du vécu terrain
- Identifier les failles d’UX ou de documentation avant qu’elles ne fassent fuir
- Reprendre les mots exacts des utilisateurs — parfait pour l’UX writing et l’onboarding
Commencez par requalifier les tickets comme un flux de parole client, pas juste une pile de plaintes.
2. Mettez en place un système de tags structuré
Impossible d’extraire des insights si vos tickets sont noyés dans des catégories vagues comme « question générale » ou « bug ».
Créez un système de tags basé sur :
- Fonctionnalité (ex : tableaux de bord, intégrations, recherche)
- Type de problème (bug, confusion, demande de fonctionnalité, performance, ergonomie)
- Sentiment (frustration, éloge, urgence)
- Impact (bloquant, accessoire)
Astuce pro : définissez les tags avec les équipes produit et support ensemble. Mettez-vous d’accord sur les conventions, les définitions et les critères d’escalade.
Outils recommandés :
→ Tags personnalisés dans Intercom ou Zendesk
→ Tagging automatisé avec Klaus ou SupportLogic
→ Workflows Slack où le support peut taguer un PM
3. Construisez un pipeline "ticket > insight"
Taguer les tickets, c’est bien. En faire quelque chose, c’est mieux.
Mettez en place un processus simple et récurrent :
- Taggez dans votre helpdesk
- Regroupez les tendances chaque semaine ou mois (ex : 27 tickets sur « confusion sur les tarifs »)
- Résumez dans un doc partagé ou un Notion
- Revue produit à cadence fixe
- Décidez : amélioration ? roadmap ? documentation ? autre ?
L’important : que cette boucle soit automatique et non dépendante d’une demande de direction.
4. Ne vous limitez pas au volume : contextualisez
Tous les tickets ne se valent pas.
20 tickets de petits utilisateurs sur une fonction mineure ≠ 5 tickets d’un grand compte bloqué par un bug critique.
Posez-vous ces questions :
- Qui a soumis le ticket ? (TPE, gros client, essai gratuit ?)
- Quel est l’impact sur leur usage ?
- Y a-t-il un lien avec le churn, le NPS, ou l’adoption d’une fonctionnalité ?
Exemple : plusieurs clients entreprise galèrent à activer le SSO ? Ce n’est pas une simple question de configuration. C’est un point de friction à l’onboarding… et un risque de churn.
Intégrez vos CRM pour croiser tickets et contexte client.
5. Transformez les problèmes récurrents en améliorations produit
Si 18 personnes vous demandent où trouver le bouton « exporter une facture », ce n’est pas un souci de support : c’est un problème d’UX.
Pensez à :
- Revoir les libellés avec de l’IA ou un meilleur design visuel
- Ajouter des tooltips ou walkthroughs
- Simplifier les parcours
Un SaaS recevait plein de tickets pour annuler un abonnement. Plutôt que de cacher l’option (antipattern classique), ils l’ont rendue plus claire — résultat : moins de tickets, plus de réactivations.
6. Instaurez un langage commun entre support et produit
Le support parle en émotions, citations, volume.
Le produit parle en specs, backlogs, priorisation.
Créez des formats de synthèse clairs et exploitables :
Thème : Difficulté à changer d’espace de travail
Fréquence : 46 tickets T1
Impact : Confusion à l’onboarding, risque de churn
Recommandation : Revoir l’UI ou ajouter une étape dans l’onboarding
Ce genre de format s’intègre facilement dans les discussions roadmap, tickets Jira ou plannings de sprint.
7. Alignez les données produit et les retours support
Les feedbacks support (qualitatifs) doivent nourrir vos métriques produit (quantitatives).
Exemple : votre analytics montre un drop de 40 % sur le signup. Et vos tickets ?
Ils disent tous : « Je ne comprends pas ce qu’on met dans le champ "Nom de l’entreprise". »
Les données et le vécu sont alignés. Résultat : vous avancez avec certitude, pas avec des suppositions.
8. Créez un backlog parallèle, piloté par le support
Votre roadmap suit les grandes priorités business ? Parfait.
Mais pourquoi ne pas ajouter un backlog parallèle avec :
- Des micro-fixes qui débloquent l’expérience
- Des petits changements d’UX
- Des améliorations de contenu ou de parcours
Un ajustement visuel de 2h qui réduit 30 tickets/mois ? C’est rentable pour tout le monde.
9. Invitez le support aux revues de sprint
Même un seul représentant support par mois dans une review peut apporter des perles comme :
- « On a vu une hausse des tickets de facturation depuis la dernière release »
- « Presque aucun ticket sur le nouveau parcours. Les gens adorent. »
- « Quand un utilisateur dit "c’est lent", voilà ce qu’il veut vraiment dire… »
Le support ne relaie pas juste les problèmes — il traduit les émotions et l’urgence.
10. Célébrez les améliorations produit qui soulagent le support
Quand une mise à jour réduit les tickets, mettez-le en valeur.
Pas juste auprès des dirigeants, mais entre équipes.
→ Renforce la collaboration
→ Valorise le travail du produit ET du support
→ Crée une culture du feedback positif
Exemple : Un redesign réduit de 40 % les tickets sur un point précis ? Documentez-le, montrez avant/après, remerciez publiquement les équipes concernées.
11. Utilisez l’IA pour scaler l’analyse
À partir d’un certain volume de tickets, le tagging manuel est un goulet.
Utilisez des outils IA comme SupportLogic, Forethought, ou même ChatGPT + exports pour :
- Auto-tagger thèmes et sentiments
- Résumer les points de friction
- Identifier les zones produit problématiques
L’IA ne remplace pas le jugement humain — mais elle vous fait gagner en vitesse et en volume.
12. Reliez tickets, churn et croissance
Envie que votre direction prenne les tickets au sérieux ?
Montrez leur impact business.
Questions à se poser :
- Quels types de tickets précèdent un désabonnement ?
- Quels blocages freinent l’upsell ?
- Quels bugs font partir les meilleurs clients ?
Les équipes les plus avancées intègrent CRM et IA pour croiser tickets et revenu. Et accélérer les décisions.
13. Fermez la boucle avec les clients
Un ticket a mené à une amélioration produit ? Dites-le au client.
Un simple message comme :
« Grâce à votre retour, on a simplifié le changement d’espace de travail. C’est ici. »
→ Crée de la confiance
→ Renforce l’engagement
→ Transforme un ticket en ambassadeur
14. Faites du support une fonction stratégique
Aucun de ces conseils ne fonctionnera si, chez vous, le support est vu comme « l’équipe des plaintes ».
Le support, c’est :
- de la recherche produit
- de la QA terrain
- du succès client
- de l’écoute qualitative
Faites en sorte que :
- Le produit remercie régulièrement le support
- Le support ait de la visibilité sur les changements
- Chacun porte la responsabilité du bonheur utilisateur
Les entreprises qui valorisent le support comme levier stratégique avancent plus vite, construisent plus intelligemment, et fidélisent mieux.
Dernier mot : votre meilleur feedback n’est pas dans les sondages. Il est déjà là.
Pas besoin de 1 000 réponses à un NPS ou d’un programme VoC ultra cher.
Les réponses sont déjà là :
Dans les mots de vos utilisateurs.
Dans leurs frustrations.
Dans les tickets que votre support traite chaque jour.
Quand produit et support travaillent main dans la main, votre roadmap devient crédible, votre UX s’améliore, vos utilisateurs râlent moins — et restent plus longtemps.
Et c’est là que vous savez que vous construisez quelque chose qui fonctionne.